dimanche, janvier 07, 2007

Le Hezbollah consociatif

Le Pacte national de 1943 convenu entre les chefs confessionnels patriotes libanais est de caractère différent de la Loi Administrative Transitionnelle (LAT) soit disant "consociative" imposée aux Irakiens par les forces d’occupation en 2003. Également, les présentes revendications de l’opposition libanaise, pressant pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale et/ou des élections anticipées, sont différentes de celles de l’Irak de l’après-invasion. Les revendications libanaises sont en accord avec les lois constitutionnelles existantes, et donc ne sont pas exprimées dans le style "insurgé" ou le style "Sistani"; l’opposition libanaise n’appelle pas aux armes pour renverser le gouvernement Siniora pro-occidental, pas plus qu’elle n’appelle au vote majoritaire direct dans le but de former un gouvernement transitionnel et d’écrire une nouvelle constitution.

Dans leur lutte politique intérieure, le Hezbollah et ses alliés – le Mouvement Amal (chiite), le Courant Patriotique Libre (chrétien) et les alliés plus petits – ne jouent pas la carte de leurs avantages militaires et démographiques; ils jouent un jeu démocratique propre :




Les Revendications démocratiques du Hezbollah

Par Mohammed Ben Jelloun
Le 29 janvier 2007

En revendiquant un gouvernement d’union nationale et un pouvoir de veto sur les décisions majeures, le Hezbollah et ses alliés s’en tiennent fermement à la lettre consociative (multiconfessionnelle) et l’esprit républicain (patriotique) de la constitution libanaise.

Dans son discours de la prière du vendredi, le premier décembre 2006 coïncidant avec le premier jour de sit-in dans La Protestation anti-gouvernementale libanaise en cours, Cheikh Abd al-Amir Kabalan, le vice président du Conseil chiite du Liban, précisait que les revendications de l’opposition étaient de caractère "consociatif" ; "nous sommes pour la participation consociative et non pas le système des majorités et minorités", dit-il. À la différence de nombreux commentateurs, en effet, le Hezbollah et ses alliés ne contestent pas le système constitutionnel en vigueur au Liban; ils ne remettent pas en question ce que Stephen Zune (6 décembre 2006) considère comme étant un système de représentation confessionnel "imposé par le colonialisme" ou ce que Robert Fisk (13 novembre 2006) considère comme étant "une conception française". Au contraire, le Hezbollah et ses alliés se font les champions de la démocratie à la libanaise.

Également, contre toutes sortes d’inquiétudes, de craintes, de soupçons et d’avertissements concernant le Hezbollah, celui-ci bien que renforcé depuis la guerre de juillet-août 2006 n’a guère plaidé pour quelque changement majoritaire dans le système de représentation – encore moins pour un renversement violent. En fait, le Hezbollah embrassait des formes plus radicales de la démocratie consociative.

[...]

Il ne suffira plus de considérer l’investigation d’un crime particulier comme primant toute autre considération, y compris l’unité nationale, la sécurité nationale, et la reconstruction nationale; il ne suffira plus de donner la priorité à la chasse des meurtriers encore hypothétiques de l’ancien premier ministre, Rafik Hariri, sur la protection du Liban contre les destructeurs de son infrastructure et les assassins de plus de 1.000 civils libanais – des assassins au-delà de tout doute bien fondé, mais puissamment protégés.

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L’article ci-dessus cite un document signé Ali Fayyad, membre du bureau politique et directeur d’un think-tank étroitement affilié au Hezbollah, lequel document est tout à fait clair sur ce sujet. Selon Fayyad, "la règle du consensus devint la devise du Hezbollah" suite à ce que le parti considéra comme une tentative de la part du côté majoritaire de monopoliser le processus décisionnel :



Hezbollah et l’Etat libanais. Réconciliant une stratégie nationale avec un rôle régional

Par Ali Fayyad
Le 15 août 2006

[...]
L’insistance du Hezbollah sur le fait que le système politique du Liban est démocratico-consensuel fondé sur la règle du 'con-sociationisme' comme stipulée par le Préambule de la Constitution libanaise ne doit pas être considérée simplement une réaction politique à un moment donné de profondes divisions. Elle reflète une transformation profonde dans l’appréhension du Hezbollah des exigences du système politique libanais ainsi que l’importance qu’il donne à la stabilité interne pour tout projet national devant réussir dans ses dimensions panarabe et islamique. L’adhésion du Hezbollah au principe consensuel (…) considère que la règle majoritaire crée un rapport instable des forces et qu’elle est inadéquate à long terme pour protéger les intérêts de tous. Le mouvement cherche donc à investir sa force et ses capacités dans le sens de promouvoir l’équilibre plutôt que d’asseoir sa domination dans la structure libanaise.
[...]




Clairement, le concept de consociation chez Hezbollah n’est pas synonyme de fédération; bien loin de là. Nasrallah semble même avertir d’une "irakisation" du Liban:



Le discours de Nasrallah du Jour de la Victoire

Le 22 septembre 2006

[...]
De cet endroit, nous annonçons, au nom du sang de nos martyrs, et nous anticipons les évènements en affirmant que : tout discours au Liban au sujet de la division [partition] est une rhétorique israélienne - tout discours au Liban au sujet du fédéralisme est une rhétorique israélienne - tout discours au Liban au sujet des cantons est une rhétorique israélienne.

Nous libanais, notre destin, notre décision, notre avenir sont de vivre ensemble de façon égalitaire dans un seul état, tel est la volonté de Dieu. Nous refusons son partage, sa fédéralisation ou sa division en cantons.
[...]