samedi, février 10, 2007

Fw: Les Turkmènes toujours victimes de discrimination ethnique en Irak

Ci-dessous un communiqué du Représentant des Turkmènes irakiens en Europe:

Les Turkmènes toujours victimes de discrimination ethnique en Irak.

Aujourd’hui lorsque les médias parlent de l’Irak ils mentionnent les Kurdes, les Shiites et les Sunnis, laissant croire que ceux-ci représentent le peuple irakien, or cette classification est non seulement fausse mais elle est également trompeuse, il s’agit d’une invention des néo-conservateurs américains pour diviser l’Irak afin de contrôler ses richesses pétrolières.

En réalité le peuple irakien est composé d’Arabes, de Kurdes et de Turkmènes qui sont soit musulmans ou chrétiens. Ainsi en mélangeant confusément l’ethnicité kurde avec les affiliations ou les croyances religieuses des Arabes irakiens, l’administration américaine a promu et a autorisé ces groupes ethniques et sectaires avec leurs milices armées à prendre le pouvoir en Irak sous la bannière de la « démocratie ». Le monde a pu constater les conséquences désastreuses de cette politique inventée par les néo-conservateurs de l’administration américaine.

En effet, les 3 millions de Turkmènes irakiens (12% de la population irakienne) qui constituent le troisième groupe ethnique important d’Irak après les Arabes et les Kurdes sont totalement ignorés par les néo-conservateurs américains et sont inexistants d’après eux et selon leur invention (la nouvelle classification) concernant la nature et la composition du peuple irakien.

Pire encore, les 3 millions de Turkmènes d’Irak, ensemble avec leurs 17 millions de compatriotes Arabes et un demi million de compatriotes Chaldéo-assyriens, représentant une majorité de 82% du peuple irakien ont été exclus et n’ont pas été mentionnés dans cette « nouvelle classification » du peuple irakien, alors que les 4.5 millions de Kurdes qui ne représentent que 18% du peuple irakien ont été promus au premier rang, avec un rôle prépondérant ainsi qu’une position dominante dans l’Irak occupé.

Les Turkmènes irakiens sont malheureusement ignorés et rarement mentionnés dans les médias occidentaux bien qu’ils aient été l’objet d’une discrimination permanente en Irak depuis 1921 et malgré le fait qu’ils sont l’objet aujourd’hui d’exactions inadmissibles de la part des Kurdes dans le nord de l’Irak.

En effet, depuis la création de l’état irakien en 1921 les Turkmènes sont marginalisés, discriminés et privés de leurs droits les plus élémentaires, dans l’indifférence totale de la communauté internationale. Leur marginalisation a été initiée par les autorités coloniales britanniques après la Première Guerre Mondiale en 1918 pour des raisons géopolitiques et économiques, afin de faciliter la séparation de la Province de Mossoul de l’Empire Ottoman (la Turquie) pour contrôler les champs pétroliers de la ville de Kirkouk qui était habitée exclusivement par des Turkmènes étant donné que cette ville est depuis des siècles leur capitale et leur grand centre culturel.

Après le renversement de la monarchie en Irak le 14 juillet 1958 et le retour du militant kurde Mullah Mustafa Barzani de son exil en Union Soviétique, la situation des Turkmènes s’est détériorée de manière dramatique à cause des ambitions hégémoniques de Mustafa Barzani et de son projet pour un état indépendant kurde dans le nord de l’Irak pour lequel l’accaparation des richesses pétrolières de Kirkouk était une nécessité. Mustafa Barzani et ses partisans alliés aux communistes irakiens ont dominé la politique en Irak sous le Général Kassem de 1958 à 1963 et c’est pendant cette période que les Kurdes ont amplifié leur migration dans la région turkmène, et particulièrement vers la ville de Kirkouk, afin de modifier la démographie de cette importante ville turkmène.

Durant cette période, les Turkmènes ont souffert de marginalisation accrue et d’une double discrimination de la part des Kurdes et du Gouvernement irakien, ils ont été victimes de déportations internes, d’exil, d’arrestations et de détentions arbitraires, de confiscations de leurs biens, de leurs terres agricoles, et le 14 juillet 1959 les responsables politiques et intellectuels Turkmènes ont été massacrés par les Kurdes.

En 1970 pour mettre fin à la rébellion kurde de Mustafa Barzani dans le nord-est du pays, le régime Baath lui a offert une région autonome kurde avec Erbil, une ville Turkmène, comme capitale, ceci en total dénigrement des intérêts légitimes des Turkmènes d’Irak et surtout des 300.000 Turkmènes d’Erbil qui ont été sacrifiés par le régime Baath et offerts comme « cadeau » à Mustafa Barzani pour qu’il mette fin à sa rébellion. Depuis lors ces Turkmènes souffrent de discrimination de la part des Kurdes, ils sont soit « Kurdifiés » ou bien considérés comme citoyens de seconde classe dans la région autonome kurde présidée par M. Massud Barzani et on n’entend plus parler d’eux.

Malheureusement, Barzani n’a pas cessé sa rébellion et a continué à revendiquer Kirkouk et ses richesses pétrolières ce qui a poussé le gouvernement central irakien à adopter la politique d’arabisation de la région turkmène pour couper court aux revendications kurdes sur la province de Kirkouk.

Cette politique d’arabisation a eu pour conséquence d’enlever aux Turkmènes les quelques droits dont ils bénéficiaient encore. Il leur était interdit : de parler la langue turkmène dans les bureaux officiels, d’acheter ou de construire des maisons, de vendre leurs biens à d’autres Turkmènes, etc. Lors du recensement ils ont été forcés de s’enregistrer en tant qu’Arabe ou Kurde, ainsi leur existence en Irak en tant que communauté leur a été officiellement dénigrée.

Aujourd’hui, après près de quatre années de guerre, d’occupation et de changement de régime en Irak, et malgré la propagande de l’administration américaine qu’ils ont apporté la « démocratie » en Irak et que les irakiens ont été « libérés », la réalité est que la situation et les conditions de vie des irakiens et notamment celles des Turkmènes se sont détériorées de manière dramatique. En plus de leur part de misère et d’humiliations résultant de l’occupation étrangère de l’Irak, les Turkmènes sont victimes de l’hégémonie kurde dans le nord du pays et de l’occupation de leur région ‘Turkmeneli’ par les milices kurdes qui se comportent comme des conquérants en pays conquis.

Prétextant que seuls les Kurdes ont été victimes du régime Baath, qu’eux seuls ont été déplacés de force et ont eu leurs biens confisqués à Kirkouk, les partis kurdes de MM Talabani et Barzani ont organisé le transport de quelques 600.000 Kurdes de la région autonome kurde et leur installation dans la province de Kirkouk depuis que Kirkouk est tombé aux mains de leurs milices, les peshmerga, avec la bénédiction des américains le 10 avril 2003.

Ces nouveaux venus à Kirkouk ont reçu de l’aide financière pour venir s’y installer et les autorités kurdes leur ont fourni des cartes d’identités et des documents falsifiés les faisant passer comme Kurdes originaires de Kirkouk, soi-disant expulsés par le régime de Saddam Hussein. Ceci est un mensonge, étant donné que les registres officiels montrent que durant le régime de Saddam moins de 12.000 habitants de Kirkouk ont été expulsés et parmi ceux-ci les Turkmènes représentaient plus de la moitié. Ce qui signifie que moins de 6.000 Kurdes ont été expulsés de Kirkouk par le régime Baath. Ces tromperies de la part des Kurdes, les falsifications des registres officiels, la délivrance de fausses cartes d’identité aux Kurdes ont été rendues possibles par le fait que les milices kurdes avaient pillé les bureaux de la population et d’enregistrement des biens fonciers de Kirkouk et confisqué les registres et les archives dès le premier jour de leur arrivée à Kerkuk le 10 avril 2003.

Dès lors, ce qui a changé pour les Turkmènes depuis le changement de régime en Irak est tout simplement la substitution de l’hégémonie arabe par l’hégémonie kurde, passant de la politique d’Arabisation de l’ancien régime à la politique de « Kurdification » de la région turkmène par les partis kurdes dominants de MM Talabani et Barzani.

Les Turkmènes dénoncent la politique actuelle et refusent l’hégémonie kurde dans leur région et ils revendiquent leur droit d’être reconnus comme le troisième groupe ethnique d’Irak et le droit d’être reconnus comme la troisième communauté principale du pays, avec des droits égaux à ceux des communautés arabes et kurdes.

Les Turkmènes appellent la communauté internationale et l’ONU à intervenir pour éviter la crise imminente au sujet de Kirkouk, de son appartenance et de son futur statut. Depuis l’occupation de l’Irak et la collaboration des Kurdes dans l’invasion du nord de l’Irak, ceux-ci sont favorisés par l’administration américaine qui leur attribue des droits et des avantages au détriment des autre Irakiens, principalement des Turkmènes.

C’est ainsi que les milices kurdes ont été autorisées à pénétrer dans la région turkmène et à y imposer l’hégémonie kurde. Ensuite, dans la rédaction de la nouvelle constitution en 2004, les Kurdes ont été promus au niveau de deuxième communauté principale d’Irak, alors que les Turkmènes ont été de nouveau marginalisés, discriminés et descendus au niveau d’une minorité insignifiante et par conséquent de citoyens de deuxième classe.

De plus, pour légaliser la domination kurde dans le nord de l’Irak, les partis kurdes avec le soutien des occupants américains sont parvenus à inscrire dans la nouvelle constitution l’ Article 140 qui prévoit la normalisation, le recensement et un référendum dans la province de Kirkouk avant le 31 décembre 2007.

Entre-temps, les Kurdes, en préparation pour ce référendum et en coordination avec les américains, ont amené, installé et enregistré, plus de 600.000 Kurdes dans la province de Kirkouk pour changer la démographie de la province et sa composition ethnique afin de l’annexer par référendum dans la région autonome kurde.

Il est à noter que plus de 99% de ces nouveaux arrivés kurdes ne sont pas originaires de Kirkouk, ils n’y ont jamais vécu, travaillé ou possédé de résidences avant l’occupation. Plus grave encore, un grand nombre de ces Kurdes ne sont même pas irakiens, ce sont des Kurdes de Turquie, d’Iran et de Syrie auxquels les partis kurdes ont délivré des passeports irakiens pour les amener et les installer à Kirkouk.

La normalisation signifie le retour dans la province de Kirkouk des déplacés sous le régime Baath et la récupération de leurs biens confisqués ainsi que l’expulsion des Arabes qui ont été amenés et installés à Kirkouk dans le cadre de la politique d’Arabisation du régime Baath.

A ce jour, parmi les 32.000 dossiers de réclamation des habitants de la province de Kirkouk dont les biens avaient été confisqués par le régime Baath, moins de 1.000 dossiers, tous appartenant à des Kurdes, ont été traités et finalisés. Quant au reste des dossiers, tous appartenant à des Turkmènes, ils sont toujours en attente et aucun Turkmène n’a pu récupérer ses biens ! Ceci est une preuve incontestable de discrimination contre les Turkmènes en Irak.

Quant au recensement, les Turkmènes refusent l’inscription dans les registres officiels de la population de Kirkouk de ces 600.000 Kurdes amenés à Kirkouk depuis l’occupation en avril 2003 et évidemment ils demandent l’annulation du référendum si ces 600.000 nouveaux arrivants kurdes y participent.

En conclusion, et à juste titre, les Turkmènes refusent l’annexion de la province de Kirkouk à la région autonome kurde et ils sont supportés dans leur demande par les Arabes et les Chaldéo-assyriens de la province.

Les Turkmènes demandent que la normalisation dans la province de Kirkouk soit faite sous la supervision internationale, l’ONU ou l’Union Européenne.

Les Turkmènes demandent l’organisation d’une conférence internationale pour la paix et la reconstruction de l’Irak avec l’implication de la communauté internationale ainsi que des pays voisins afin de garantir l’unité, la sécurité et la reconstruction de l’Irak.

Les Turkmènes sont le seul groupe ethnique en Irak qui n’a pas de milices armées, ils sont pacifistes et rejettent la violence et l’existence des milices. Ils croient dans les vertus des valeurs démocratiques.

Les Turkmènes, comme la grande majorité des irakiens, sont contre l’occupation de l’Irak et demandent le départ immédiat et inconditionnel des forces d’occupation étrangères et ils aspirent à l’établissement d’une véritable démocratie dans un Irak libéré et uni.

Dr. Hassan Aydinli
Représentant des Turkmènes Irakiens en Europe

dimanche, janvier 07, 2007

Le Hezbollah consociatif

Le Pacte national de 1943 convenu entre les chefs confessionnels patriotes libanais est de caractère différent de la Loi Administrative Transitionnelle (LAT) soit disant "consociative" imposée aux Irakiens par les forces d’occupation en 2003. Également, les présentes revendications de l’opposition libanaise, pressant pour la formation d’un gouvernement d’unité nationale et/ou des élections anticipées, sont différentes de celles de l’Irak de l’après-invasion. Les revendications libanaises sont en accord avec les lois constitutionnelles existantes, et donc ne sont pas exprimées dans le style "insurgé" ou le style "Sistani"; l’opposition libanaise n’appelle pas aux armes pour renverser le gouvernement Siniora pro-occidental, pas plus qu’elle n’appelle au vote majoritaire direct dans le but de former un gouvernement transitionnel et d’écrire une nouvelle constitution.

Dans leur lutte politique intérieure, le Hezbollah et ses alliés – le Mouvement Amal (chiite), le Courant Patriotique Libre (chrétien) et les alliés plus petits – ne jouent pas la carte de leurs avantages militaires et démographiques; ils jouent un jeu démocratique propre :




Les Revendications démocratiques du Hezbollah

Par Mohammed Ben Jelloun
Le 29 janvier 2007

En revendiquant un gouvernement d’union nationale et un pouvoir de veto sur les décisions majeures, le Hezbollah et ses alliés s’en tiennent fermement à la lettre consociative (multiconfessionnelle) et l’esprit républicain (patriotique) de la constitution libanaise.

Dans son discours de la prière du vendredi, le premier décembre 2006 coïncidant avec le premier jour de sit-in dans La Protestation anti-gouvernementale libanaise en cours, Cheikh Abd al-Amir Kabalan, le vice président du Conseil chiite du Liban, précisait que les revendications de l’opposition étaient de caractère "consociatif" ; "nous sommes pour la participation consociative et non pas le système des majorités et minorités", dit-il. À la différence de nombreux commentateurs, en effet, le Hezbollah et ses alliés ne contestent pas le système constitutionnel en vigueur au Liban; ils ne remettent pas en question ce que Stephen Zune (6 décembre 2006) considère comme étant un système de représentation confessionnel "imposé par le colonialisme" ou ce que Robert Fisk (13 novembre 2006) considère comme étant "une conception française". Au contraire, le Hezbollah et ses alliés se font les champions de la démocratie à la libanaise.

Également, contre toutes sortes d’inquiétudes, de craintes, de soupçons et d’avertissements concernant le Hezbollah, celui-ci bien que renforcé depuis la guerre de juillet-août 2006 n’a guère plaidé pour quelque changement majoritaire dans le système de représentation – encore moins pour un renversement violent. En fait, le Hezbollah embrassait des formes plus radicales de la démocratie consociative.

[...]

Il ne suffira plus de considérer l’investigation d’un crime particulier comme primant toute autre considération, y compris l’unité nationale, la sécurité nationale, et la reconstruction nationale; il ne suffira plus de donner la priorité à la chasse des meurtriers encore hypothétiques de l’ancien premier ministre, Rafik Hariri, sur la protection du Liban contre les destructeurs de son infrastructure et les assassins de plus de 1.000 civils libanais – des assassins au-delà de tout doute bien fondé, mais puissamment protégés.

L'article entier >>



L’article ci-dessus cite un document signé Ali Fayyad, membre du bureau politique et directeur d’un think-tank étroitement affilié au Hezbollah, lequel document est tout à fait clair sur ce sujet. Selon Fayyad, "la règle du consensus devint la devise du Hezbollah" suite à ce que le parti considéra comme une tentative de la part du côté majoritaire de monopoliser le processus décisionnel :



Hezbollah et l’Etat libanais. Réconciliant une stratégie nationale avec un rôle régional

Par Ali Fayyad
Le 15 août 2006

[...]
L’insistance du Hezbollah sur le fait que le système politique du Liban est démocratico-consensuel fondé sur la règle du 'con-sociationisme' comme stipulée par le Préambule de la Constitution libanaise ne doit pas être considérée simplement une réaction politique à un moment donné de profondes divisions. Elle reflète une transformation profonde dans l’appréhension du Hezbollah des exigences du système politique libanais ainsi que l’importance qu’il donne à la stabilité interne pour tout projet national devant réussir dans ses dimensions panarabe et islamique. L’adhésion du Hezbollah au principe consensuel (…) considère que la règle majoritaire crée un rapport instable des forces et qu’elle est inadéquate à long terme pour protéger les intérêts de tous. Le mouvement cherche donc à investir sa force et ses capacités dans le sens de promouvoir l’équilibre plutôt que d’asseoir sa domination dans la structure libanaise.
[...]




Clairement, le concept de consociation chez Hezbollah n’est pas synonyme de fédération; bien loin de là. Nasrallah semble même avertir d’une "irakisation" du Liban:



Le discours de Nasrallah du Jour de la Victoire

Le 22 septembre 2006

[...]
De cet endroit, nous annonçons, au nom du sang de nos martyrs, et nous anticipons les évènements en affirmant que : tout discours au Liban au sujet de la division [partition] est une rhétorique israélienne - tout discours au Liban au sujet du fédéralisme est une rhétorique israélienne - tout discours au Liban au sujet des cantons est une rhétorique israélienne.

Nous libanais, notre destin, notre décision, notre avenir sont de vivre ensemble de façon égalitaire dans un seul état, tel est la volonté de Dieu. Nous refusons son partage, sa fédéralisation ou sa division en cantons.
[...]

vendredi, décembre 29, 2006

La communauté arabe d'Israël et l'Etat binational

Revendications de la population arabe :
droit de veto sur certaines décisions et autonomie culturelle

Yoav Stern - Ha’aretz
mardi 19 décembre 2006
traduit dans www.info-palestine.net


La communauté arabe d’Israël revendique un droit de veto sur des décisions de l’Etat au niveau national et une autonomie dans la gestion des matières culturelles, de religion et d’enseignement. Le document « Vision future des Arabes palestiniens en Israël », qui a été présenté hier dans les bureaux du Comité Supérieur Arabe de Surveillance, à Nazareth, déclare qu’au cours des deux décennies à venir, la communauté arabe d’Israël exigera, en fait, d’Israël de se transformer en un Etat binational, avec un partenariat entre les Juifs et les Arabes, et cela à côté d’un Etat palestinien indépendant.

Au Comité de Surveillance, on insiste sur le fait que ce document, dont l’initiative a été lancée par le président du Comité, Shawki Hatib, et dont la préparation a été organisée par le Comité des Chefs des Autorités locales, grâce au financement du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), est un document fondateur dans l’histoire de la communauté arabe en Israël, dans la mesure où il est produit dans le cadre général du Comité de Surveillance au sein duquel sont représentés tous les courants politiques de la communauté arabe. Shawki Hatib a déclaré que « l’objectif essentiel était de déclencher l’étincelle d’un débat public pour tout ce qui touche à l’avenir des Arabes palestiniens en Israël ». Selon lui, l’importance du document découle du patronage du Comité de Surveillance et du Comité des Chefs des Autorités locales, deux organes qui représentent l’ensemble de la communauté arabe.

Chacun des huit chapitres du document présente cette vision pour les deux décennies à venir, en matière de politique des terres, de développement économique, d’enseignement, etc. Dans le chapitre qui s’intéresse aux rapports à l’Etat, il n’est pas écrit que la communauté arabe reconnaît le caractère juif d’Israël, mais qu’elle est disposée à considérer ce pays comme « patrie commune » aux deux peuples. Le Dr Assad Ghanem, qui a assumé la rédaction de ce chapitre, a dit hier qu’il accordait une grande importance à cette expression. « L’explication de la chose est que nous reconnaissons les droits qu’a le peuple juif en Israël, individuellement et collectivement. Mais pas sur le compte des Arabes », a-t-il dit.

Un autre changement que le document exige porte sur les symboles de l’Etat. « Après 60 ans, il est temps de mûrir et de dire la vérité. Cet Etat doit inclure les deux groupes à tous les échelons. Que les Juifs aient des symboles sionistes dans leur espace. J’appuie la chose. Mais pourquoi faut-il m’imposer ces symboles ? », a dit hier le Dr Ghanem. Les chapitres qui ont été présentés hier font partie d’un livre à paraître qui détaillera la vision que des Arabes d'Israël ont de la conduite de leurs affaires et leurs rapports à l’Etat, au reste du peuple palestinien et au monde en général.

Comme il l’a déjà été rapporté ces derniers jours, un certain nombre de groupes et de responsables ont travaillé à la préparation de documents présentant la vision de la communauté arabe sur différents sujets. La semaine dernière a vu la publication du document juridique du centre Mossawa qui présentait la demande de faire revenir les réfugiés de l’intérieur (en Israël) dans les villages abandonnés d’où ils venaient. Le 16 décembre, le centre Adalah est censé présenter le « Livre des Droits », document juridique où seront exposées les revendications en matière de droits de la communauté arabe. Un groupe d’intellectuels arabes, travaillant en coordination avec le centre d’études « Mada Al-Carmel », prépare encore un autre document, la « Convention de Haïfa », qui se penche sur la manière dont la communauté arabe d’Israël se voit elle-même.

Ce qu’il y a de commun à tous ces documents, c’est la vision de la communauté arabe d’Israël comme une communauté unie, oeuvrant en commun face à l’Etat afin de se voir accorder ses droits. Dans le document du Comité de Surveillance, on peut lire que l’Etat d’Israël doit reconnaître la minorité arabe comme minorité autochtone qui a, comme telle, le droit d’être représentée dans les forums internationaux. Shawki Hatib a dit, hier, qu’il n’y avait aucune raison pour que la communauté juive voie dans tout ça une menace. « Même la Commission Or a établi que la faiblesse de la communauté arabe tenait à un manque de droits communautaires. Là, c’était écrit par un Juif et cela n’a menacé personne, mais lorsque des Arabes livrent leur opinion, cela devient menaçant », a-t-il dit.

Dans un chapitre qui traite de l’Etat palestinien, il est écrit que la communauté arabe appuie la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. L’Etat palestinien appartiendra au peuple palestinien, tandis qu’Israël sera un Etat binational puisqu’il s’y trouve une majorité juive et une forte minorité arabe. Le chapitre appelle à l’instauration d’un régime de « démocratie régulée » qui constitue en fait une coalition entre Juifs et Arabes au sein d’Israël. Selon le document, chaque groupe possédera un droit de veto sur les décisions de l’autre groupe, et gérera ses propres affaires de manière autonome.

Dans l’introduction à ce chapitre, est exposé le regard arabe sur Israël comme Etat créé par un colonialisme. De même, on peut y lire qu’Israël a mis en œuvre une politique colonialiste à l’égard de ses citoyens arabes, incluant l’expropriation de terres et la judaïsation de l’espace. Dans le chapitre traitant des rapports à l’Etat, il est écrit que la communauté arabe ne considère pas le régime existant aujourd’hui en Israël comme étant une démocratie. Israël, est-il écrit, est un Etat « ethnocratique », comparable à la Turquie, au Sri Lanka, à la Lettonie, etc. « Ces régimes octroient aux minorités une égalité partielle et ne les associent que de manière limitée à la vie politique (...) à un degré qui n’équivaut jamais à celui dont bénéficie la majorité », dit le texte.

lundi, décembre 26, 2005

Meilleurs voeux 2006




En mémoire de Bouna et Zied
En mémoire de la révolte en novembre 2005

La République en question

Selon ses auteurs, l’appel « Nous sommes les indigènes de la République » de décembre 2004 suscitait des réactions très contrastées. La réaction la plus notable était l’enthousiasme avec lequel il fut accueilli par ceux auquel il était destiné; les personnes issues de l’immigration coloniale et celles qui entretiennent un rapport critique avec l’héritage colonial républicain (il aurait reçu plus de 1000 signatures individuelles et associatives en moins de 15 jours). Entre-temps, les autres réactions oscillaient entre manifestations de réserves plus ou moins nettes et franche hostilité. Ce qui suit ici est extrait des commentaires explicatifs sur l'appel donnés par la suite — je ne prétends pas être à jour et les commentaires sont bienvenus évidemment :



Indigènes de la République, réponses à quelques objections...
par Alix Héricord, Sadri Khiari, Laurent Lévy
samedi 26 février 2005

[...]

2) Comment peut-on oser critiquer la République et l’or de ses attributs, les Lumières, l’universalisme, l’égalité... ? C’est se vouer bien sûr à l’obscurantisme, au particularisme, au communautarisme... et autres maléfiques, et parfois anglo-saxonnes, doctrines.

Il est toujours extrêmement difficile de critiquer la République en France, soit « le modèle français » par excellence, sans mettre en branle toute une série de réflexes de pensées, de dichotomies et de catégories pesantes ayant plus à voir avec les représentations idéales et incantatoires forgées par les doctrinaires de tout poil qu’avec la réalité des pratiques. Pour n’évoquer qu’un seul de ces pièges attendus, critiquant la République, nous ne serions pas « universalistes », nous serions donc par conséquent « communautaristes » puisque nous sommes sommés par la logique un peu courte des débats imposés de nous mouvoir entre ces deux pôles. « Communautaristes » ! Et la République de frissonner face à ce double péril de communautés closes et dangereuses, et d’un modèle anglo-saxon agressif. Peut-être est-ce impossible mais nous ne souhaitons pas prendre notre place dans le grand jeu de la concurrence entre des modèles abstraits. La République dont nous parlons, nous la regardons dans ses œuvres et au ras de ses pratiques, non dans les discours qu’elle tient sur elle-même. Si nous dénonçons avec vigueur certaines œuvres de la République réelle comme la colonisation et la répression, l’exclusion et le racisme, nous ne perdons pas notre temps à évoquer la République rêvée, celle qui définit un monde qui n’a jamais eu d’existence ou si peu, et dont la seule fonction historique aura été de masquer, précisément, la République réelle... Nous ne sommes pas plus les ennemis de la République rêvée que de la Licorne bleue. S’il nous arrive d’en dénoncer l’usage idéologique, nous ne nous posons pas plus en ennemis qu’en partisans de ce que nous analysons simplement comme un mythe.

C’est pourquoi lorsque nous parlons de la République, nous ne parlons pas du républicanisme en général ou en théorie, ni de la République romaine ou florentine, mais d’une incarnation historique précise : le projet indissolublement colonial et républicain de l’Etat français tel qu’il fut élaboré par la IIIe République au moment où l’extension impériale de la France atteint son maximum, et tel que ses échos perdurent encore de nos jours. Un projet qui tout en recyclant des pratiques d’Ancien régime fait rupture parce qu’il accorde une place centrale à l’Etat français dans le processus colonial, ainsi qu’aux discours et technologies que l’Etat produit pour rationaliser et légitimer ce processus (mission civilisatrice, droit colonial...). Les manuels de droit coloniaux républicains insistent sur le « caractère étatique », ainsi que juridique de la colonisation moderne, inaugurée au XIXe siècle :

« La colonisation est une affaire d’Etat. Elle relève des gouvernements. Il faut bien comprendre le sens de cette affirmation. Pendant longtemps, la colonisation a été conçue d’une manière différente. Il se peut d’ailleurs que cette intervention de l’Etat soit précédée, préparée, facilitée par des initiatives privées. Ainsi en a-t-il été à l’origine de la formation de nombre de colonies. Mais, aussi longtemps que ces initiatives privées s’exercent seules, aussi longtemps que les gouvernants d’un Etat à civilisation européenne n’interviennent pas pour les guider, les contrôler ou les soutenir, il n’y a pas, à proprement parler, de colonisation. »

L’investissement de l’Etat dans la colonisation moderne a débouché sur la fabrication d’un droit racialisé qui posait une différence au sein des Français entre les « citoyens français » (les métropolitains ou les personnes issues de métropole) et les « sujets français » aussi nommés « indigènes » (les populations de l’Empire) :

« Nul n’ignore que, dans la métropole, tous les nationaux français, sans distinction d’origine, sont citoyens. Sans doute on réserve parfois le nom de citoyens à ceux qui bénéficient de l’électorat politique, c’est-à-dire aux nationaux remplissant certaines conditions d’âge et de sexe. Mais la notion de citoyen doit être entendue dans un sens plus large. (...) Les lois sont faites pour tous les nationaux français, sans distinction de race, d’origine, de religion, de situ soc. (...) La législation est unique et uniforme ; il n’y a pas plieurs catégorie juridiques de Français.

Dans la plupart des colonies, on se trouve en présence d’une situation différente. Les nationaux se divisent en deux catégories : les citoyens, dont le statut politique et juridique se rapproche de celui des habitants de la métropole, et les non-citoyens, ou sujets français, dont le statut est assez sensiblement différent.

L’existence de cette distinction s’explique assez aisément. S’il est normal de traiter la population d’origine européenne comme la population métropolitaine, il n’en va pas de même pour la population indigène. Celle-ci est très différente de civilisation et de formation. (...) En raison du degré de formation des indigènes et de leur nombre, une surveillance spéciale doit s’exercer sur eux. Il leur faut souvent un régime pénal et même un régime disciplinaire particuliers. Il y a là une nouvelle raison de la distinction des deux statuts. »

C’est bien entendu la différence de « civilisation », en bref la différence de mœurs et de coutumes, qui est supposée justifier d’une part la non-citoyenneté des indigènes de la République et d’autre part fonder le principe d’un régime punitif distinct du droit commun (le code de l’indigénat). Ainsi l’hétérogénéité « civilisationnelle » des indigènes justifie les discriminations et l’existence d’une nationalité à double vitesse. Et c’est l’assimilation, soit en fait l’adoption des mœurs, coutumes et normes (supposées uniformes) de la métropole, qui conditionne en grande partie l’accès aux droits civiques et politiques, ainsi qu’à l’égalité de traitement en matière pénale.

Le racisme juridique et étatique qui accompagne la formation de la IIIe République persiste peu ou prou jusqu’aux décolonisations, il constitue l’une des conditions de possibilité de l’imaginaire raciste français et n’est sans doute pas sans effet sur la situation actuelle. La question mérite à tout le moins d’être posée et examinée d’un point de vue politique.
[...]

4) En distinguant entre initiateurs et soutiens, vous reprenez un mode d’agencement binaire et manichéen du type les « victimes et leurs ami(e)s », déjà difficilement justifiable au moment des décolonisations mais assurément périmé. Comment se reconnaître dans cet appel sans être « issu des anciennes colonies » et autrement que sur le mode de la culpabilité ou à titre de force d’appoint ? Et d’abord de quel « nous » parlez-vous ?
[...]

... il n’est pas besoin de brandir son arbre généalogique pour participer à un mouvement des « indigènes de la République ».
[...]

7) Vous êtes communautaristes. En employant le terme d’« indigène », une catégorie juridico-administrative stigmatisante produite par la République pour désigner l’ensemble des populations colonisées de son empire, ainsi que leur assujettissement, nous ne revendiquons pas d’autre communauté que celle qui subit, reconnaît et critique activement l’intériorisation de certaines normes coloniales par le pays dans lequel nous vivons.

Cela dit, c’est plus pour ce qu’il sous entend que pour ce qu’il énonce expressément que le grief de « communautarisme » nous choque. Et plutôt que de répondre à ce grief, nous entendons le critiquer. De quoi parle-t-on, dans le débat français, lorsque l’on parle de « communautarisme ».

dimanche, décembre 18, 2005

Fw: Fraudes et irrégularités électorales en Irak

LE COMITE DE DEFENSE DES DROITS DES TURKMENES IRAKIENS (BELGIQUE) A ADRESSE LE COMMUNIQUE SUIVANT AUX MEMBRES ET AUX COMMISSAIRES DU PARLEMENT EUROPEEN
Mons, le 14 décembre 2005.

OBJET : FRAUDES ET IRREGULARITES ELECTORALES EN IRAK
Les élections générales en Irak du 30 janvier 2005 ont été entachées par de multiples irrégularités et fraudes qui ont permis à la coalition des partis kurdes (KDP et PUK) de rafler non seulement la totalité des sièges des trois provinces qui sont sous leur contrôle depuis 1991 (Arbil, Duhok et Sulaymaniya) mais aussi de s’approprier la majorité des sièges dans les autres provinces du nord du pays (Kerkuk, Salahaddin et Diyala) où ils sont nettement minoritaires, au détriment des Arabes, des Turkmènes et des Chaldo-assyriens.

Ces fraudes et irrégularités ont permis à la coalition des partis kurdes de s’approprier 55 sièges sur un total de 275 et de devenir ainsi le deuxième groupe parlementaire le plus important du pays et de s’imposer sur le plan national comme un groupe parlementaire incontournable pour former le gouvernement et diriger le pays avec un pouvoir nettement disproportionné par rapport à sa représentation réelle dans le pays.

Les organisations et partis politiques turkmènes ont dénoncé en son temps les fraudes et irrégularités commises lors de ces élections et ils ont adressé des lettres de protestations le lendemain des élections à la Commission Indépendante des Elections en Irak (IECI) pour contester les résultats des élections, notamment pour les raisons suivantes :

1 - La participation de 86.000 électeurs kurdes irrégulièrement enregistrés sur les listes électorales de Kerkuk alors qu’ils n’étaient pas résidents de cette ville. Ils y avaient été amenés par les partis kurdes après l’invasion et l’occupation du pays en mars 2003 pour changer la composition ethnique de cette ville et y imposer leur hégémonie.

2 - L’empêchement de centaines de milliers d’électeurs turkmènes de Tal Afar, de Musul, de Kerkuk, de Tuz Khurmatu, etc… d’exercer leur droit de vote sous de multiples prétextes par les activistes des partis kurdes et leurs milices (peshmergas) qui contrôlaient de facto le déroulement des élections dans ces régions.

3 - L’organisation d’une fraude électorale dans la région sous leur contrôle dans le but de gonfler le nombre de votants en faveur de la coalition des partis kurdes en permettant à des milliers de leurs partisans de voter plusieurs fois dans les mêmes centres de vote et en organisant le transport de milliers de leurs partisans pour qu’ils puissent voter dans plusieurs centres de vote le jour des élections.

4 - L’anarchie dans la collecte des urnes après la fermeture des bureaux de vote, irrégularités de comptage, substitution des bulletins de votes, etc…

Les copies des lettres de protestation des partis politiques turkmènes ont également été adressées au Secrétaire Général des Nations Unies ainsi qu’aux parlementaires et Commissaires Européens pour les informer des fraudes et des irrégularités constatées lors de ces élections et pour solliciter leur aide afin que les prochaines élections en Irak puissent se dérouler dans des conditions meilleures et démocratiques.

La Commission Indépendante des Elections en Irak (IECI) après vérification des listes électorales de Kerkuk avait accédé à la demande des partis turkmènes et elle avait effectivement supprimé les noms des 86.000 électeurs irréguliers des listes électorales de Kerkuk pour les élections du 15 décembre 2005, mais malheureusement, encore une fois sous les pressions des partis kurdes cette commission vient de faire un volte face en dernière minute.

En effet on vient d’apprendre que non seulement la Commission Indépendante des Elections en Irak a annulé la décision qu’elle avait prise auparavant concernant la suppression des noms des 86.000 électeurs irréguliers des listes électorales de Kerkuk, mais elle qu’elle a accepté l’enregistrement de milliers d’autres électeurs irréguliers sur les listes électorales de Kerkuk !

Ces décisions de dernière minute prises par la Commission Indépendante des Elections en Irak (IECI) en faveur des partis kurdes et au détriment des turkmènes vont fausser les résultats des élections dans la province de Kerkuk et leurs enlever toute crédibilité.

Le Comité de Défense des Droits des Turkmènes Irakiens dénonce les pressions exercées sur la Commission Indépendante des Elections en Irak par les partis kurdes et condamne la décision de cette Commission qui permet à des dizaines de milliers d’électeurs irréguliers de voter à Kerkuk Nous demandons à la Commission Indépendante des Elections en Irak de revenir sur sa dernière décision et d’annuler une fois pour toutes les noms des 86.000 électeurs irréguliers sur les listes électorales de Kerkuk et de refuser l’enregistrement de nouveaux électeurs irréguliers et illégaux à Kerkuk.

Nous regrettons l’absence d’observateurs européens lors de ces élections et nous demandons aux parlementaires et commissaires européens, ainsi qu’aux responsables politiques en Europe de réagir et de condamner de telles pratiques qui sont contraires aux principes élémentaires de la démocratie.

Hassan AYDINLI
Président du Comité de Défense des Droits des Turkmènes Irakiens - Belgique



Ci-dessous la traduction du Communiqué du FRONT TURKMENE IRAKIEN (ITF):

COMMUNIQUE DE ITF (IRAQI TURKMEN FRONT) - FRONT TURKMENE IRAKIEN KERKUK - IRAK
(Traduction)

La démocratie nécessite justice, transparence et honnêteté.

Sur base de ce principe nous avions relevé plusieurs fraudes et mesures électorales illégales dans la province de Kerkuk lors des élections précédentes le 30 janvier 2005 et nous les avions rapportées à la Commission Independante des Elections en Irak (IECI) qui suite à nos contestations avait annulé 86.000 noms d'électeurs illégaux qui avaient été enregistrés sur les listes électorales de Kerkuk.

Cependant, au dernier moment et juste avant les élections du 15 décembre 2005, cette commission a fait volte-face et vient de prendre deux décisions:

- le rétablissement des listes électorales de Kerkuk et la réinsertion des noms des 86.000 électeurs illégaux qui avaient été admis sur les listes électorales de Kerkuk juste avant les élections du 30 janvier 2005

- l'enregistrement de dizaines de milliers d'autres "nouveaux électeurs irréguliers" sur les listes de Kerkuk pour les élections du 15 décembre 2005.

Ces décisions prises par la commission, incontestablement sous certaines pressions, sont contraires aux règlement des élections. Elles ont pour but de favoriser certains partis politiques.Le Front Turkmène Irakien condamne avec fermeté ces décisions illégales et il demande à la Commission (IECI) d'annuler ces deux décisions et d'empêcher que le processus électoral soit faussé par des manipulations et influences politiques.

Le Front Turkmène Irakien demande à la commission des élections (IECI) de revenir sur ses décisions de dernière minute par lesquelles elle permet de nouveau aux 86.000 électeurs illégaux d'être enregistrés sur les listes électorales à Kerkuk et aux dizaines de milliers d'autres 'nouveaux électeurs illégaux' de participer aux élections à Kerkuk.

Le Front Turkmène Irakien lance un appel aux organisations internationales et aux partis politiques, notamment en Europe, pour qu'ils interviennent rapidement pour garantir le bon déroulement des élections du 15 décembre 2005.

Le Front Turkmène Irakien tient à informer les autorités politiques en Irak qu'il contestera les résultats de ces élections s'il n'est pas tenu compte de ses demandes et dans le cas où des irrégularités seraient acceptées lors de ces élections.

Le Front Turkmène Irakien
Kerkuk - Irak
le 12.12.2005

lundi, novembre 28, 2005

Projet de constitution pour la France?

La mise à jour du modèle d’intégration français pourrait très bien s’inspirer du communautarisme de l’actuelle constitution irakienne...


Je sais que nombreux démocrates et radicaux irakiens et Moyen-Orientaux plus généralement ont toujours eu une vénération quasi-religieuse pour le modèle d’intégration français. Les violences en France de ces derniers temps ont, cependant, prouvé à quel point ledit modèle était déclassé et tombé en désuétude.

Les défenseurs du modèle, évidemment, continueront à expliquer la révolte des banlieues de
cette année 2005 par la mondialisation économique néolibérale (Toni Negri) et les imperfections du républicanisme quotidien (Olivier Roy). Ses défenseurs plus ou moins d’extrême droite (tel ce Samuel Huntington français; (Alain Finkielkraut) invoqueront le fanatisme identitaire, l’intégrisme islamiste et le racisme anti-Français et anti-occidental.

En ce sens, la controverse « sont-ils Français ou anti-Français? » sur l’identité des casseurs illustre les deux positionnements. Pour les uns, ces jeunes discriminés et exclus des banlieues ne demandent qu’à être Français et intégrer leur douce France; pour les autres, ces jeunes Afro-Arabo-musulmans simplement haïssent la France et tout ce qui est Français. En réalité, ni la mondialisation économique ni la dérive identitaire, islamiste ou anti-occidentale ou autre, à elles seules en tout cas, n’expliquent le surgissement précisément de ces violences en France.

Pour quel modèle faut-il opter? D’abord, contrairement à une opinion bien répandue, le communautarisme n’est pas le modèle dominant dans les pays anglo-saxons.
Encore moins en Suède. Ce vocable, sauf pour politologues spécialistes, n’a jamais existé dans la langue de la monarchie, plutôt jacobine, suédoise. Mais tout est relatif évidemment – le borgne n’est-il pas roi au pays des aveugles?

Que reste-t-il; le multiculturalisme libéral pratiqué un peu partout ailleurs, hors du territoire français? Aux Etats-Unis par exemple, l’on se dira américain et musulman, américain et noir. En effet, comme le constate
Esther Benbassa, le « et » est essentiel à la citoyenneté; le « et », officiellement banni en France, est désormais incontournable. Et, comme elle le dit bien, les pouvoirs publics « auraient intérêt à le prendre en compte » – à ceci il faudra ajouter que même le système états-unien ne reconnaît pas et ne permet pas la représentation politique de ses communautés ethno-confessionnelles.

Être ou ne pas être Français n’est pas la question, en réalité c’est une mise à jour radicale de la francité qui s’impose – Chirac
parlait d’une « crise d’identité » française, d’un « profond malaise » devant être traité avec « justice et fermeté ». Il s’agit de redéfinir l’idée de France. En effet, que dire par exemple d’un multiculturalisme, ou inter-communautarisme, républicain? Que dire d’une représentation politique (consociationnelle) garantie à toutes les communautés, représentation assortie toutefois d’un espace publique (agonistique) où toutes les identités sont librement discutées et perpétuellement remises en cause.

Que dire d’appliquer les notions de « liberté, égalité, fraternité » au rapport réciproque des communautés de France, avec tout ce que cela comporte en termes de quotas – parlementaires, gouvernementaux, économiques, ou autres – et de mesures de discrimination positive en faveur des communautés désavantagées? Que dire de l’idée de patrie française définie par la loyauté desdites communautés envers un certain hexagone, une certaine arène culturelle? Que dire de l’idée de citoyenneté définie par le minimum de protections individuelles permises par le consensus inter-communautaire, mais assorti d’un maximum de devoirs envers la patrie?

Dans mon blog anglais, j’ai une fois (
avril 2005) commenté l’histoire du système constitutionnel confessionnel libanais en ces termes – je traduis :



Nous devons alors admettre qu’une très forte modification ou hybridisation du droit métropolitain français avait eu lieu sur le sol colonisé libanais. (Dans le sillage des émigrés, ce processus subversif a maintenant atteint le sol métropolitain même, où beaucoup d’argent et d’énergie sont dépensés ces jours-ci afin de repousser le nouveau spectre hantant la République ou ce que les Français, avec forte désapprobation, appellent « le communautarisme ».)


Eh bien, je pense que les temps sont mûrs à présent pour compléter ce cycle d’hybridisation : La mise à jour du modèle d’intégration français pourrait très bien s’inspirer, je ne plaisante pas, du communautarisme de l’actuelle constitution irakienne – je ne dis pas du fédéralisme de ladite constitution mais d’un consociationalisme serré au pouvoir relativement centralisé. De même qu’une version plus relâchée du modèle républicain français; une version qui entre autre remplace l’exigence (absolutiste) laïque par le principe de cohabitation des croyances et cultures, pourrait bien à son tour sauver la constitution irakienne.




Toni Negri: Finally a Little Revolt
Interviewed by Jacopo Iacoboni
La Stampa, 12/11/05




TN: What gangs! The explosion of the banlieues is not some random jacquerie. Even if it were, it would be in a radically changed social context, whose basic features are the crisis of Fordism and the absence of a political response – not only in France - to this crisis. That is why for me it remains a revolt, but I could even say insurrection, if we understand the term in a mild sense. There is a lack of political consciousness of the objectives, what Marx called the for-itself. This movement wants something, but it does not yet know what it wants.

JI: Much of the international press has tried to read the explosion of the banlieues by seeing in it the failure of the French model of integration. Are you persuaded by this explanation?

TN: Not at all. After all, hasn’t the Anglo-Saxon model failed as well? Just look at the America of New Orleans or the England of July 7th, with terrorists who were born English in the deepest sense of the term, Englishmen dressed like everybody else, kids who before becoming bombs go to the pub and get drunk on beer…The point is not the failure of the two multicultural models.

JI: Now you’ll say: "it’s a matter of the organisation of work".

TN: The elements hidden behind the burning banlieues are at least three. What is in crisis is the Fordist industrial model, which implied permanent employment and an indefinite schema of growth sustained by the state. Later this crisis was linked with the processes of economic globalisation. These are joined by neo-liberal policies of cuts on public spending, which produce a crisis in welfare interventions. This has nothing to do with integration, the problem here is a total absence of a political response to the crisis of Fordism. This missing response is tied to the crisis of democratic representation.

JI: So why then are the suburbs in turmoil only in France and not in Italy? Post-Fordist dynamics are the same here too



Get French or Die Trying
By Olivier Roy
November 9, 2005




The rioting in Paris and other French cities has led to a lot of interpretations and comments, most of them irrelevant. Many see the violence as religiously motivated, the inevitable result of unchecked immigration from Muslim countries; for others the rioters are simply acting out of vengeance at being denied their cultural heritage or a fair share in French society. But the reality is that there is nothing particularly Muslim, or even French, about the violence. Rather, we are witnessing the temporary rising up of one small part of a Western underclass culture that reaches from Paris to London to Los Angeles and beyond.

To understand why this is so, consider two solid facts we do have on the riots. First, this is a youth (and male) uprising. The rioters are generally 12 to 25 years old, and roughly half of those arrested are under 18. The adults keep away from the demonstrations: in fact, they are the first victims (it is their cars, after all, that are burning) and they want security and social services to be restored.

Yet older residents also resent what they see as the unnecessary brutality of the police toward the rioters, the merry-go-round of officials making promises that they know will be quickly forgotten, and the demonization of their communities by the news media. Second, the riots are geographically and socially very circumscribed: all are occurring in about 100 suburbs, or more precisely destitute neighborhoods known here as "cités," "quartiers" or "banlieues." There has long been a strong sense of territorial identity among the young people in these neighborhoods, who have tended to coalesce in loose gangs. The different gangs, often involved in petty delinquency, have typically been reluctant to stroll outside their territories and have vigilantly kept strangers away, be they rival gangs, police officers, firefighters or journalists.

Contrary to the calls of many liberals, increased emphasis on multiculturalism and respect for other cultures in France is not the answer: this angry young population is highly deculturalized and individualized. There is no reference to Palestine or Iraq in these riots. Although these suburbs have been a recruiting field for jihadists, the fundamentalists are conspicuously absent from the violence. Muslim extremists don't share the youth agenda (from drug dealing to nightclub partying), and the youngsters reject any kind of leadership.

So what is to be done? The politicians have offered the predictable: curfews, platitudes about respect, vague promises of economic aid. But with France having entered its presidential election cycle, any hope for long-term rethinking is misplaced. In the end, we are dealing here with problems found by any culture in which inequities and cultural differences come in conflict with high ideals. Americans, for their part, should take little pleasure in France's agony - the struggle to integrate an angry underclass is one shared across the Western world.



What sort of Frenchmen are they?
Alain Finkielkraut interviewed by Dror Mishani and Aurelia Smotriez
November 17, 2005




[...]

Finkielkraut: "In France, they would like very much to reduce these riots to their social dimension, to see them as a revolt of youths from the suburbs against their situation, against the discrimination they suffer from, against the unemployment. The problem is that most of these youths are blacks or Arabs, with a Muslim identity. Look, in France there are also other immigrants whose situation is difficult - Chinese, Vietnamese, Portuguese - and they're not taking part in the riots. Therefore, it is clear that this is a revolt with an ethno-religious character.
[...]

In other words, as you see it, the riots aren't directed at France, but at the entire West?

"No, they are directed against France as a former colonial power, against France as a European country. Against France, with its Christian or Judeo-Christian tradition."
[...]

In 1987, he published his book "The Defeat of the Mind," in which he outlined his opposition to post- modernist philosophy, with its erasure of the boundaries between high and low culture and its cultural relativism. And thus he began to earn a name as a "conservative" philosopher and scathing critic of the multicultural and post-colonial intellectual currents, as someone who preached a return to France's republican values. Finkielkraut was one of the staunchest defenders of the controversial law prohibiting head-coverings in schools, which has roiled France in recent years.
[...]

Post-colonial mindset
But what appears to disturb Finkielkraut even more than this "hatred for the West," is what he sees as its internalization in the French education system, and the identification with it by French intellectuals. In his view, this identification and internalization - which are expressed in shows of understanding for the sources of the violence and in the post-colonial mindset that is permeating the education system - are threatening not only France as a whole, but the country's Jews, too, because they are creating an infrastructure for the new anti-Semitism.

"In the United States, too, we're witnessing an Islamization of the blacks. It was Louis Farrakhan, in America, who asserted for the first time that the Jews played a central role in creating slavery. And the main spokesman for this theology in France today is Dieudonne [a black stand-up artist, who caused an uproar with his anti-Semitic statements - D.M.]. Today he is the true patron of anti-Semitism in France, and not Le Pen's National Front."

But in France, instead of fighting his kind of talk, they're actually doing what he asks: changing the teaching of colonial history and the history of slavery in the schools. Now they teach colonial history as an exclusively negative history. We don't teach anymore that the colonial project also sought to educate, to bring civilization to the savages. They only talk about it as an attempt at exploitation, domination and plunder.
[...]

These people were treated like rebels, like revolutionaries. This is the worst thing that could happen to my country. And I'm very miserable because of it. Why? Because the only way to overcome it is to make them feel ashamed. Shame is the starting point of ethics. But instead of making them feel ashamed, we gave them legitimacy. They're 'interesting'. They're 'the wretched of the earth'.




Défauts d'intégration
Par Esther Benbassa
jeudi 10 novembre 2005




Ces dernières années, violences urbaines et autres «incivilités» renvoyaient déjà à notre incapacité à prendre à bras le corps ces maux indissociables des failles de l'intégration que sont le chômage, les discriminations, l'école mal adaptée, la répartition inéquitable de la culture, le logement ghettoïsé, le racisme. Dans un pays comme la France, où l'ascenseur social est grippé depuis longtemps et où les relations sont tellement hiérarchisées, l'arrogance des élites et l'aveuglement des politiques n'aident pas à la remise à plat d'un modèle républicain qui n'est pas pire que d'autres, mais de moins en moins opérationnel.

Avant d'arriver aux Etats-Unis, j'ai assisté à Berlin à des rencontres où certains représentants de nos élites se gargarisaient de mots pour faire l'éloge de notre laïcité ­ centenaire de la loi de 1905 oblige ­, parant de ses plus beaux atours un jacobinisme qui empêche, à l'heure actuelle, notre pays d'accéder au pluralisme. La lutte contre le communautarisme s'érige en priorité lorsque l'Autre, même quand il est français, a du mal à se positionner dans la société des «autochtones». Les Allemands se gaussaient de ces querelles picrocholines qui leur sont étrangères. Ce qui ne signifie pas qu'ils ont mieux réussi à intégrer leurs immigrés turcs.

[...] La loi contre les signes religieux ostensibles ­ en fait, une loi contre le voile islamique ­ et notre intolérance laïque ne sont que des rideaux de fumée qui nous cachent le plus grave.
[...]

Dans ce pays, on se dira américain et musulman, américain et noir. Ce «et» essentiel à la citoyenneté est officiellement banni chez nous, alors qu'il est désormais incontournable et que les pouvoirs publics auraient intérêt à le prendre en compte. Ce «et», qui nous est si insupportable, a permis aux Etats-Unis la promotion d'une Condoleezza Rice ou d'un Colin Powell. Chez nous, quand on nomme un ministre «issu de l'immigration», il est là, en gros, pour s'occuper des siens...
[...]

La France, en période de crise, construit son identité dans l'opposition à l'Autre qui lui fait peur. Au XIXe siècle, ce fut le cas avec les juifs. Actuellement, face à la globalisation, c'est l'Autre arabe ou noir qui effraie. Et surtout sa religion, transformée depuis le 11 septembre en objet de tous nos fantasmes. Peut-on ouvrir un magazine ou un journal sans qu'on nous parle de l'islam, du terrorisme et de l'islamisme, des imams radicaux, etc. ? Les musulmans ont remplacé les juifs du XIXe siècle et de l'entre-deux-guerres. Dans ce contexte, notre nationalisme exacerbé nous empêche de voir la multiculturalité de la France.

vendredi, avril 01, 2005

Rétrospectives sur le Liban

L’étude d’Elisabeth Picard, dont les extraits qui suivent, entre autre, complète les explications du renforcement du communautarisme politique au Liban par l'examen des thèses abondamment débattues à Beyrouth, selon lesquelles l'adoption d'un mode de représentation laïque, basé sur une majorité démographique, comporte un sérieux risque de dérive totalitaire.

Les habits neufs du communautarisme libanais
Elisabeth Picard
automne 2001


On surprendrait vivement les leaders politiques libanais de l'avant-guerre, les Pierre Gemayel, les Rachid Karamé, les Camille Chamoun et autres Kamal Junblat - Allah yarhamôn - en leur apprenant que le "confessionnalisme", la structuration de la société en communautés religieuses régies par leur droit privé spécifique, n'est plus guère contesté aujourd'hui à Beyrouth. Et plus encore en constatant que le "communautarisme politique", soit l'inscription de la division communautaire dans le système constitutionnel du pays, est sorti renforcé de quinze années de guerre. Avec l'avenir des Palestiniens et la satisfaction des ambitions de son voisin syrien, la question de la levée de l'emprise communautaire sur l'Etat avait été un enjeu majeur des années 1970, un objet de discorde entre ces leaders, et une cause de l'embrasement du Liban. […] Or, depuis l'adoption de la nouvelle Loi constitutionnelle du 21 septembre 1990, les critiques envers le communautarisme politique se sont considérablement atténuées, et les demandes de laïcisation du droit personnel ou de séparation du religieux et du politique se sont faites rares. Lorsqu'elles sont exprimées, elles sont parfois accueillies avec mépris. Ainsi l'ancien président du Conseil, Salim el-Hoss, adversaire obstiné du communautarisme politique, est-il soupçonné de "[faire] du confessionnalisme sommaire". Souvent, elles sont contrées avec l'aplomb de ceux qui se savent porteurs d'une opinion majoritaire et défenseurs d'un système établi. Dans le Liban d'après-guerre, le communautarisme va de soi ; il reflète l'état de la société ; il assure le fonctionnement de l'Etat. Le remettre en cause serait dangereux pour l'équilibre du pays, ou tout simplement impossible au vu du rapport des forces sociales et politiques.
[…]
La réhabilitation de l'ethnicité A la veille de la guerre du Liban, à l'époque dite "moderne", la structuration communautaire de la société libanaise était souvent considérée comme un phénomène honteux, et l'organisation communautaire de l'Etat comme un regrettable vestige des époques ottomane et mandataire. Dans un contexte de croissance économique et de changement social rapide, les comportements laïques, c'est-à-dire détachés du lien communautaire, s'affichaient. […] De plus, les idéologies laïcisantes gagnaient en influence, véhiculées par la résistance palestinienne, par les échos de mai 1968 dans les milieux étudiants et plus encore par l'adoption de modèles occidentaux. […]


La Syrie qui voulait abolir le communautarisme au Liban…

La Syrie, ensuite, trouvait dans la formule de Taëf la consécration d'un maintien illimité de son contrôle militaire sur le Liban. Car, tout en approuvant la restauration du système communautaire et en marquant sa sollicitude pour les chefs de communautés, religieux et politiques, elle obtenait l'insertion, dans le chapitre des réformes, d'une exigence ferme d'abolition du communautarisme politique, abolition à laquelle elle conditionnait le retrait de ses forces. En somme, la pérennisation du communautarisme assurait la pérennisation de son occupation. […]


Les tyrannies (laïques) minoritaires…

La première thèse consiste à opposer les voies constitutionnelles choisies par différents Etats successeurs de l'Empire Ottoman au Moyen-Orient, le Liban d'une part, les autres Etats arabes de l'autre, après la décolonisation. Alors que le premier faisait accéder les communautés à la représentation politique, reprenant en le transformant le système des millet, les autres récusaient ce mode d'organisation "traditionnel" (de même que le tribalisme). Pour accéder à la modernité, ils choisissaient théoriquement la voie de la sécularisation et de l'intégration nationale, celle dans laquelle les citoyens égaux en droits et en devoirs ont l'Etat pour interlocuteur. En principe, donc, la majorité politique de ces pays est dessinée par la seule loi du nombre. En pratique, leur sécularisation est incomplète, puisque l'islam ou la sharî'a figurent, à un titre ou un autre, dans toutes les constitutions du monde arabe. Surtout, la plupart de ces systèmes, loin d'assurer une compétition équitable, favorisent la domination d'une communauté (un segment ethnique ou religieux de la population) sur les autres. Ainsi, la soi-disant sécularisation d'Etats comme la Syrie ou l'Iraq masque un système de préférence et d'exclusion communautaire plus virulent que le communautarisme institutionnalisé, parce qu'il échappe à la régulation constitutionnelle. En dénonçant le caractère dictatorial de régimes "modernes" et sécularisés, en proclamant même que le Liban est le seul Etat de la région qui a échappé au totalitarisme, les défenseurs du communautarisme politique mettent l'accent sur un autre problème : celui du déficit démocratique. Or, ce n'est pas parce qu'ils sont laïques que ces régimes arabes sont dictatoriaux, mais plutôt parce qu'ils ne le sont qu'en façade et, qu'au fond, ils sont farouchement communautaristes. Ils ont dévoyé le principe laïque de la séparation du religieux et du politique en identifiant l'Etat à une seule communauté ; ils ont transformé le principe démocratique "un homme, un vote" en un plébiscite sans choix; ils ont "dé-politisé" les opposants au système en les excluant d'une nation pour le moins hypothétique. Mais, pour aigu qu'il soit dans ces régimes patrimoniaux et militarisés, le problème de la démocratie ne se pose pas moins en régime communautaire. La différence confessionnelle induit l'inégalité face à l'Etat, comme c'était le cas dans le Liban avant la guerre. La communauté risque, elle aussi, d'imposer à l'individu sa propre forme d'enfermement totalitaire, celle qui s'est développée durant la guerre avec le système des milices.


Les tyrannies (religieuses) majoritaires…

La seconde thèse conduit à soupçonner, derrière les demandes de laïcisation et d'adoption de la majorité du nombre, l'ambition dictatoriale d'une majorité sociologique, celle d'une communauté, qui chercherait à imposer à l'ensemble de la population son système de sens et de droit. La communauté visée est la communauté chiite. Toute polémique mise à part et toute supputation sur les chiffres écartée, celle-ci est unanimement reconnue comme la plus nombreuse, et donc comme sociologiquement (mais non démographiquement ; elle représente moins de 50% de la population) majoritaire. C'est un fait que, dans le Liban des années 1990, la demande de déconfessionnalisation est formulée surtout par deux ténors : Georges Corm, d'une part, parce qu'il est un adversaire implacable des dictatures miliciennes. Et, d'autre part, le Hizb Allah, assuré qu'il est de son hégémonie en milieu chiite après sa victoire militaire sur Amal en 1990 et son succès aux législatives de l'été 1992. Certes, le projet politique du Hizb est fluctuant. Il varie en fonction du rapport de forces au sein du Majlis el-shûra, son conseil directeur, de ses relations avec le gouvernement, et surtout d'une stratégie inscrite dans le triangle étatique Syrie-Iran-Israël. N'empêche que les Islamistes se caractérisent partout par leur demande d'application de la sharî'a, y compris l'application d'un statut spécifique aux Gens du Livre. Par la loi du nombre, le Liban "laïque" risquerait de se voir transformé en République islamique. […]