vendredi, décembre 29, 2006

La communauté arabe d'Israël et l'Etat binational

Revendications de la population arabe :
droit de veto sur certaines décisions et autonomie culturelle

Yoav Stern - Ha’aretz
mardi 19 décembre 2006
traduit dans www.info-palestine.net


La communauté arabe d’Israël revendique un droit de veto sur des décisions de l’Etat au niveau national et une autonomie dans la gestion des matières culturelles, de religion et d’enseignement. Le document « Vision future des Arabes palestiniens en Israël », qui a été présenté hier dans les bureaux du Comité Supérieur Arabe de Surveillance, à Nazareth, déclare qu’au cours des deux décennies à venir, la communauté arabe d’Israël exigera, en fait, d’Israël de se transformer en un Etat binational, avec un partenariat entre les Juifs et les Arabes, et cela à côté d’un Etat palestinien indépendant.

Au Comité de Surveillance, on insiste sur le fait que ce document, dont l’initiative a été lancée par le président du Comité, Shawki Hatib, et dont la préparation a été organisée par le Comité des Chefs des Autorités locales, grâce au financement du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), est un document fondateur dans l’histoire de la communauté arabe en Israël, dans la mesure où il est produit dans le cadre général du Comité de Surveillance au sein duquel sont représentés tous les courants politiques de la communauté arabe. Shawki Hatib a déclaré que « l’objectif essentiel était de déclencher l’étincelle d’un débat public pour tout ce qui touche à l’avenir des Arabes palestiniens en Israël ». Selon lui, l’importance du document découle du patronage du Comité de Surveillance et du Comité des Chefs des Autorités locales, deux organes qui représentent l’ensemble de la communauté arabe.

Chacun des huit chapitres du document présente cette vision pour les deux décennies à venir, en matière de politique des terres, de développement économique, d’enseignement, etc. Dans le chapitre qui s’intéresse aux rapports à l’Etat, il n’est pas écrit que la communauté arabe reconnaît le caractère juif d’Israël, mais qu’elle est disposée à considérer ce pays comme « patrie commune » aux deux peuples. Le Dr Assad Ghanem, qui a assumé la rédaction de ce chapitre, a dit hier qu’il accordait une grande importance à cette expression. « L’explication de la chose est que nous reconnaissons les droits qu’a le peuple juif en Israël, individuellement et collectivement. Mais pas sur le compte des Arabes », a-t-il dit.

Un autre changement que le document exige porte sur les symboles de l’Etat. « Après 60 ans, il est temps de mûrir et de dire la vérité. Cet Etat doit inclure les deux groupes à tous les échelons. Que les Juifs aient des symboles sionistes dans leur espace. J’appuie la chose. Mais pourquoi faut-il m’imposer ces symboles ? », a dit hier le Dr Ghanem. Les chapitres qui ont été présentés hier font partie d’un livre à paraître qui détaillera la vision que des Arabes d'Israël ont de la conduite de leurs affaires et leurs rapports à l’Etat, au reste du peuple palestinien et au monde en général.

Comme il l’a déjà été rapporté ces derniers jours, un certain nombre de groupes et de responsables ont travaillé à la préparation de documents présentant la vision de la communauté arabe sur différents sujets. La semaine dernière a vu la publication du document juridique du centre Mossawa qui présentait la demande de faire revenir les réfugiés de l’intérieur (en Israël) dans les villages abandonnés d’où ils venaient. Le 16 décembre, le centre Adalah est censé présenter le « Livre des Droits », document juridique où seront exposées les revendications en matière de droits de la communauté arabe. Un groupe d’intellectuels arabes, travaillant en coordination avec le centre d’études « Mada Al-Carmel », prépare encore un autre document, la « Convention de Haïfa », qui se penche sur la manière dont la communauté arabe d’Israël se voit elle-même.

Ce qu’il y a de commun à tous ces documents, c’est la vision de la communauté arabe d’Israël comme une communauté unie, oeuvrant en commun face à l’Etat afin de se voir accorder ses droits. Dans le document du Comité de Surveillance, on peut lire que l’Etat d’Israël doit reconnaître la minorité arabe comme minorité autochtone qui a, comme telle, le droit d’être représentée dans les forums internationaux. Shawki Hatib a dit, hier, qu’il n’y avait aucune raison pour que la communauté juive voie dans tout ça une menace. « Même la Commission Or a établi que la faiblesse de la communauté arabe tenait à un manque de droits communautaires. Là, c’était écrit par un Juif et cela n’a menacé personne, mais lorsque des Arabes livrent leur opinion, cela devient menaçant », a-t-il dit.

Dans un chapitre qui traite de l’Etat palestinien, il est écrit que la communauté arabe appuie la création d’un Etat palestinien à côté d’Israël. L’Etat palestinien appartiendra au peuple palestinien, tandis qu’Israël sera un Etat binational puisqu’il s’y trouve une majorité juive et une forte minorité arabe. Le chapitre appelle à l’instauration d’un régime de « démocratie régulée » qui constitue en fait une coalition entre Juifs et Arabes au sein d’Israël. Selon le document, chaque groupe possédera un droit de veto sur les décisions de l’autre groupe, et gérera ses propres affaires de manière autonome.

Dans l’introduction à ce chapitre, est exposé le regard arabe sur Israël comme Etat créé par un colonialisme. De même, on peut y lire qu’Israël a mis en œuvre une politique colonialiste à l’égard de ses citoyens arabes, incluant l’expropriation de terres et la judaïsation de l’espace. Dans le chapitre traitant des rapports à l’Etat, il est écrit que la communauté arabe ne considère pas le régime existant aujourd’hui en Israël comme étant une démocratie. Israël, est-il écrit, est un Etat « ethnocratique », comparable à la Turquie, au Sri Lanka, à la Lettonie, etc. « Ces régimes octroient aux minorités une égalité partielle et ne les associent que de manière limitée à la vie politique (...) à un degré qui n’équivaut jamais à celui dont bénéficie la majorité », dit le texte.